Voyager en pays étranger permet de côtoyer des gens qui ont des cultures et des modes de vie différents des nôtres. Dans bien des cas, ces rencontres font la richesse d'un voyage et constituent de précieux souvenirs. Et si d'emblée nous faisons confiance aux gens que nous rencontrons, faut-il pour autant avoir une confiance absolue ?
En janvier 1997, j'ai voyagé seul au Kenya après un safari en camping mémorable d'une semaine. Alors que j'étais dans la vieille ville de Mombasa, sur la côte kenyane, un jeune homme africain s'est avancé vers moi. Il s'appelait Ahmed et prétendait être un guide certifié. Voyant ma réticence, il a insisté sur le fait qu'il me serait impossible d'accéder à certains endroits sans être accompagné d'un guide. Malgré ma suspicion, il m'avait l'air sincère et il était très sympathique. J'ai donc fini par accepter son offre.
La visite de la vieille ville qui s'en suivit fut très intéressante et comme promis, Ahmed me fit voir des choses que je n'aurais pu voir sans lui (de toute évidence, elles n'étaient même pas citées dans mon guide de voyage). À mesure que le temps passait, notre conversation devenait de plus en plus amicale. Nous échangions sur nos vies respectives et rien ne laissait présager ce qui allait se passer plus tard. Au moment de se quitter, Ahmed m'a demandé si je comptais sortir en soirée. Puis il s'est offert pour m'amener dans la boîte de nuit la plus populaire de Mombasa. J'ai tout de suite pensé que ce serait bien alors j'ai accepté et je lui ai donné rendez-vous plus tard en soirée dans le hall de mon hôtel (ce qui aurait pu être une grave erreur).
Lorsque Ahmed s'est pointé à l'heure convenue, j'ai tout de suite remarqué que son comportement était différent. (Avec le recul, je pense qu'il avait probablement consommé de l'alcool ou de la drogue.) Néanmoins, je l'ai suivi jusqu'à ce bar qui surplombait l'océan Indien. Au début, tout se passait quand même relativement bien. Puis Ahmed a commencé à exiger que je lui paie ses consommations sous prétexte que j'étais un touriste blanc, donc riche à ses yeux, et qu'il était pauvre. Sur le coup, ça m'a surpris ! C'est alors que Ahmed est devenu de plus en plus agressif, insistant sans cesse pour que je lui donne de l'argent. Je n'arrivais plus à le calmer et je ne comprenais plus ce qui se passait. Je perdais tout simplement le contrôle de la situation. Et j'ai commencé à avoir peur, très peur.
Sentant que la situation s'envenimait et devenait hors de contrôle, j'ai profité d'un moment où il est allé aux toilettes pour me sauver. Oui, me sauver ! C'est la seule chose qui m'a passé par la tête à ce moment-là ! J'ai alors couru jusqu'à l'extérieur du bar et je me suis précipité dans un taxi (par chance, il y en avait un devant l'entrée). Mais au moment où le chauffeur s'apprêtait à démarrer, Ahmed a surgi en interpellant le chauffeur de taxi.
J'étais terrifié ! Ahmed s'entretenait maintenant avec mon chauffeur de taxi en swahili (la langue locale). Je ne pouvais donc comprendre ce qu'ils disaient. J'ai alors supplié le chauffeur de taxi de partir au plus vite, répétant sans cesse que je ne connaissais pas ce gars-là et que je ne voulais pas qu'il monte avec nous. Mais Ahmed ouvrit lui-même la portière arrière et prit place à côté de moi. La situation était critique. Sans réfléchir davantage, j'ai demandé fermement au chauffeur de taxi de me ramener à mon hôtel. Une fois rendu devant la porte de mon hôtel, j'ai payé la course et j'ai donné un surplus au chauffeur pour qu'il conduise Ahmed chez lui. Par chance, ça a marché. Il n'y a pas eu d'argumentation. En pénétrant dans le hall de mon hôtel, je me souviens que l'employé à la réception m'avait demandé si tout allait bien (je devais être dans tous mes états !).
Cette nuit-là, je n'ai pas beaucoup dormi. Je m'imaginais plein de scénarios et j'avais peur que Ahmed revienne à mon hôtel. Ma seule consolation, c'était d'avoir pris un hôtel (l'entrée était surveillée jour et nuit) plutôt que d'aller dans une auberge pour routards ! (Hasard ou destin ?)
Le lendemain, je devais prendre un vol pour l'archipel de Lamu (toujours au Kenya). J'étais soulagé de quitter Mombasa après ce qui venait de m'arriver. Malgré tout, j'ai passé le reste de mes vacances sur mes gardes à cause de cet événement. J'étais pour ainsi dire paranoïaque !
Il va sans dire que j'étais jeune, naïf et insouciant, et que je suis probablement tombé sur la mauvaise personne au mauvais endroit au mauvais moment. Le Kenya est un pays magnifique et le safari fut l'une des plus belles expériences qu'il m'a été donné de vivre. D'un autre côté, tout en étant prudent, on ne peut pas être constamment sur ses gardes et méfiant envers tout le monde. Cela porte à réflexion. Jusqu'où peut-on faire confiance en voyage ? Est-il possible de déceler les bonnes intentions ou les mauvaises intentions d'une personne, tout en sachant qu'on est plus vulnérable dans un pays qui n'est pas le nôtre ? Quand doit-on commencer à se méfier ? Difficile de répondre à ces questions.
Et vous, que feriez-vous si vous vous trouviez dans une pareille situation, tout en sachant que la police n'est souvent pas le meilleur recours possible dans plusieurs pays ? Avez-vous déjà été victime de harcèlement en vacances ? Faites-vous normalement confiance aux autres en voyage ou au contraire êtes-vous méfiant ?